Auteur : Chavrog
Nouvelle à trois niveaux de réalité.
LE
CHIEN
La chaleur était une ronce dans le
pied de Matteo, et Matteo marchait, comme s'il eut voulut atteindre
le centre même du monde. La poussière salissait son pantalon blanc
tel un homme au pas trop pressé dans la neige, les pierres partout
pleuraient la suffocante buée des après-midi d'été, les vapeurs
montaient au cerveau de Mattéo, la chaleur aussi. La chaleur. Mon
dieu qu'il faisait chaud, lorsque l'auto noire s'est fait entendre.
Noire comme la fumée d'un volcan éteint. Tout le monde eut pût la
voir, mais son vrombissement n'était en Mattéo qu'un chant de veuve
ouvrant ses volets pour la dernière fois. Mattéo aurait entendu les
cris de dix milles loups, qu'il n'en eut été pour autant plus
effrayé. La morte était en noire, et son pneu arrière gauche était
crevé.
Si Matteo n'avait pas, il aurait pu.
Et pourtant, il mourras ici, la ronce dans ses pieds lui faisait mal.
De mémoire de narrateur, on avait vu de chaleur aussi grosse. Le
pneu arrière gauche semblait réellement crevé. Mattéo s'était
égratigné le genoux, en montant une pente, et n'avait trouvé ni
larmes ni rivières pour désinfecter. Si seulement il pouvait
pleuvoir, il pourrait mourir les genoux propre.
Un connard de grillon se met à
chanter à coté de lui, oraison funèbre inconséquente, Mattéo le
regarde, il est sur un brin d'herbe grillé qu'il fait crouler par
son poids. Son ombre s'agite comme un vieux film sur le cailloux
derrière. La jambe de Mattéo est à moins d'1 mètres. Il pourrait
l'écraser. La voiture roule derrière. Mattéo lève la jambe, la
rebaisse. Pourquoi tuer un grillon ?
Le connard le nargue, se remet à
chanter. Mattéo baisse son chapeau, lève son pied. Quelque chose
s'abat derrière lui, un grand bruit, un orage sur la route, le corps
de Mattéo fonce sur le grillon, qui saute, la voiture déraille
derrière lui.
Le grillon s'enfuit.
Mattéo se retourne. Il voit deux
manteaux flotter autour de la voiture. L'un ouvre le coffre, pour
changer la roue. Mattéo regarde devant lui, il n'y à plus rien
qu'un grain de sable. A quoi bon fuir ? Mattéo s’assoit, il
regarde les deux manteaux dans la fourmilière. C'est chanceux un
manteaux. Un homme mort, on peut récupérer son manteau. Mais si on
brûle un manteaux, l'homme seras nu. Mattéo sait que ça n'as aucun
sens. Qu'il a mieux vécu en tant qu'homme, qu'en tant que manteau.
Un d'entre eux est accroupi devant la roue. Le soleil sur la jante
lui illumine parfois la blancheur grisâtre du pantalon.
De temps en temps, on voit aussi un
outil brillé, ils font des cercles comme des lucioles. C'est con,
mais juste avant la morte, on a tout le temps de penser au futur. Qui
sait si dans dix ans, les restes de mon corps ne seront pas dans une
station d'essence, ou...dans un verre de vin. Pourvu que mon assassin
me boive. Peut on rêver meilleure fin ?
Les manteaux s'étirent, et rentre
dans la voiture. La voiture parcourt les cent mètre restant. Matteo
se lève, et sort son pistolet. Il le braque vers les vitres. Il est
vide, et les manteaux le savent.
Un dernier duel, c'est tout ce qu'il
demande. Le couteau dans le cœur, la larme à l'oeuil, et la vie au
bout du doigt. La porte jouxtant le siège passager de la morte noire
s'ouvre, en sort un des costumes.
Il est sali aux genoux. Comme Matteo.
C'était celui qui avait réparé la roue.
Le manteau enleva d'abord son
chapeaux. IL était chauve. Puis son écharpe, humide de sueur.Alors,
il enleva ses chaussures noire, ainsi que son pantalon, désarticulé
goutte-à-goutte, comme pour rappeler qu'on ne peut pas nager contre
la rivière. Mattéo vit le caleçon de celui que l'on pouvait
désormais décrire avec certitude comme un homme tombé. Puis, le
manteau tomba, et ne restait qu'un homme nu, une arme à la main.
Mattéo brandissait son arme, le doigt
sur la gachette, droit sur l'oeuil qui le fixait lui-même.
Il était là. Le dernier tout de
manège, le rappel du cirque, le dernier rugissement du lion trop
vieux pour passer entre les cerceaux des dresseurs. Après ceci tout
allait s'arrêter. Mais aurait-il gagner ? Le doigt sur la
gâchette. Une goutte de sueur perlait sur le sexe de son adversaire,
il fallait tirer.
Sa montre. Le manteau avait enlevé sa
montre. Mattéo sorti la sienne de sa poche, et la tendit à l'homme
nu, qui lui fit signe jusqu'à la voiture. Evidément. Ce n'était
pas celui qui tirait qui vérifiait l'heure. Pourquoi deux hommes
sinon ? Il voulait sa montre, qu'il la prenne. Mattéo fit un
pas. La terre s'écroula. Il marcha jusqu'à la morte, qui ouvrit une
portière. L'homme assis était nu. Il fumait. Mattéo tendit sa
montre juste au dessus de son torse. Il la prit reconaissant. Cela
lui éviterait sûrement de toucher un cadavre. « Pourquoi
prendrait-il ma montre ? » Se disait Mattéo. Peu importe,
il ne le saurait jamais.
La terre s'écroula dix fois et Mattéo
repris sa place.Il leva son arme. L'autre n'avait pas bouger. Le
temps, comme le goutte-à-goutte sur son sexe,était impassible. Si
Mattéo tirait, il était mort. Si il ne tirait pas, l'autre ne
tirerais pas. Les gouttes s'écrasait sur le sol, la chaleur était
folle, son cœur implosait, il lui fallait mourir, il ne tirait pas.
« Ton genoux » dit l'homme
nu.
Il y eut un silence. Il fallait tirer.
Il allait mourir, et il parlerait de son genoux avec un assassin ?
D'accord.
« Un cailloux ».
L'homme nu s'approcha de la plaie, et
lui cracha dessus. Il attrapa son manteau, et enleva aussi
délicatement que possible les cailloux. Quand la tâche fut fini, il
recracha.
« Un cailloux »...ce seras
donc les derniers mots de Matteo. Plus rien ne pouvait faire attendre
la balle. Mattéo lança son pistolet, et pendant que l'homme nu
allait le chercher, par respect, Mattéo continua sa route, sans
chercher à fuir. L'homme de la voiture sorti pour aller pisser. Il
appela son confrère, qui se retourna. Il se mit en haut de la légère
bosse ou la scène s'était passer.
Il visa.
Mattéo continuait sa route. La terre
s'écroula lorsque son corps toucha le sol, cinquante mètre plus
loin, une balle dans la nuque. Comme les chiens.
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